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Hommage à Christophe par Eric
Cheveux longs, moustache, pattes d'eph, il s'est invité dans le salon familial. Aucun souvenir de la chanson. Rien à voir avec les autres les copies, lui crève l'écran, authentique. Je dois avoir neuf ans et vois bien que le petit gars est différent. Je ne l'appelle pas encore «mon martien préféré.» Sur un tourne disque, dont le haut-parleur incorporé est de couleur bleue, tourne ''Main dans la main''. Une ritournelle, des paroles que je reprends en coeur sans en comprendre le sens. Arrive le temps des mobylettes, des señorita, des baisers volés près du juke-box. Très vite un ouragan venu de la perfide Albion balaie l'innocence. Au pays de la colle à rustine, les cheveux raccourcissent, se teintent de couleurs. Interférence, ''Le Beau Bizarre'' n'arrive pas à moi, pas d'électricité au squat. La fille qui m'a rejoint est mineure. ''Pas vu, pas pris'', on se terre comme des rats. ''Alain Z Kan'' va donner un concert. Incroyable, le fou furieux qui s'époumonait dans ''Gazoline'' débarque en ville. Refoulés à l'entrée du bar-club, retour au squat, envie de tout péter. On picole, se mélange sur un duvet douteux. Deal, baston, dégringolade, une jolie étudiante rencontrée sur une place m'empêche de sombrer. Studio sous les toits, vol à l'étalage, elle assure un max. Envie de voyager, elle me relance, je retarde le départ. Dans la poche de mon cuir, un aller simple peuplé de bonnes intentions. Séparation. Rebelote, une lolita. On s'amuse, elle m'aime en poinçonneur des lilas. La prison la sauvera de l'enfer. Une paumée magnifique m'aborde. Branchée rock tendance dure. Trouver du produit, chercher de l'argent, trouver du produit. Le lendemain de notre rupture, réveil à l'hôpital. Accident, aucun souvenir. Sevrage dans un taudis, vivre, noircir du papier quel qu’en soit le prix. Jour et nuit, tout le temps, à en perdre haleine. Durant combien d'années? Au mitan des années quatre vingt dix, une voix venue de nulle part m'arrache à ma torpeur. «Moi j'ai le regard mélo qui rend fou. De celui qui ne tient plus debout. Et qui meurt à genoux.» La musique est synthétique, dansante. «Qu'est ce que tu dis là?» Le phrasé est heurté, la voix unique, l'émotion intacte. Mon martien préféré. ''Bevilacqua'', retour gagnant, une sacrée réussite. Le triomphe, la consécration viendra avec l'album suivant, cinq ans plus tard (l'homme a toujours été hors du temps.) ''Comm'si la terre penchait'' fracasse l'année 2001. Des tubes; ''L'enfer commence avec L'', ''Comme un interdit'', ''J'aime l'ennui''. Enfermé dans sa bulle spatio-temporelle, sa voix gorgée d'écho, reverb, envoûte, se pare de couleurs. Jeunes et moins jeunes, la France entière se déplace pour acclamer Christophe. Témoignage du succès, ''L'Olympia'' double album. Six ans plus tard, ''Aimer ce que nous sommes''. La voix est ténue, fragile, les compos évanescentes. Beau s'entourer de cadors, la sauce ne prend pas. En guest, une actrice qui a bu la tasse tchin-tchin. Cinq ans plus tard, des bandes bricolées, parfois avec talent ''Paradis retrouvé Vol 1''. Pas de volume 2. L'année suivante ''Intime'' une compilation. 2016, dernier album studio ''Les Vestiges du Chaos''. Émotion à fleur de peau, voix en partance. Les compos évoquent une marche funèbre, séjour en thalasso carte privilège. 2018, idée de génie de la maison de disques, jouer des anciens tubes avec des invités de prestige. People, mannequin, stars déchues, jeunes crétins, grabataires (liste non exhaustive.) Christophe tenait beaucoup à ce double album. «C'est pas un coup de show-biz.» On le croit sur parole. Dans la nuit du 16 Avril, mon martien préféré s'est définitivement éclipsé. Les anges ont bien de la chance.
Les titres:
1 No tiano iu
2 Christina
3 Estate Senza
4 Tu es folle
5 Da da song
6 Fait chaud ce soir
7 Emporte moi
8 La Mélodie
9 Drôle de vie
10 Le diro parole (les mots bleus Ver Ita)
11 Sauté du scooter
12 Ce mec Lou
13 Agitation
14 Les Tabourets de bar
15 Qu'est ce que tu dis là?
16 Rencontre à L'As Vega
17 L'Enfer commence avec L
18 J'aime L'ennui
19 Interview
20 Tangerine
Pour écouter cette compil' de Christophe, ce n'est pas loin.....Beau Bizarre
Merci Eric!
That's all folks!
PS: J'avais parlé de Christophe il y a quelque temps ici . Malheureusement, le disque dur qui contenait cet album est HS. Je ne peux donc reproposer le lien...
Tags : hommage, christophe, eric
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Commentaires
2SoDimanche 19 Avril 2020 à 11:27Cet un bel hommage3AnnieDimanche 19 Avril 2020 à 12:45Bravo Eric! Belle écriture...A suivre.4dadoDimanche 19 Avril 2020 à 12:59Non seulement l'hommage est beau, bizarre, émouvant et sincère Eric mais la sélection de ces 20 titres est de qualité. Merci à toi et Bravo l'artiste, il restera dans nos coeurs. Fracas je te remets le lien de Samouraï sur ton ancien post de Christophe.
On peut écouter cette émission (de 57 minutes) :
7le marseillaisLundi 20 Avril 2020 à 09:35Et j'ai crié, crié, Christophe pour qu'il revienne
Réponse
ne pleurez pas, je reviendrai bientôt
8ericLundi 20 Avril 2020 à 12:48Merci pour vos commentaires et encouragements. Merci à individu 1671137 (c'est ton numéro d'écrou?) pour le lien. Je vais écouter l'émission avec intérêt. Sa parole était si rare.
Merci à Fracas (mi amigo) d'avoir répondu présent, et fait le job malgré l'heure tardive.
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Lundi 20 Avril 2020 à 19:06
C'est un numéro qui peut dire beaucoup…
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9ericLundi 20 Avril 2020 à 20:12Les prochains gagnants du loto? Ton numéro de sécu? La date de naissance de ton percepteur? Ou plus simplement ton code d'agent secret?
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Lundi 20 Avril 2020 à 23:42
Tu as la bonne réponse
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10Fracas64Lundi 20 Avril 2020 à 21:08Non. C'est un homme né en novembre 1967 dans l'Indre...-
Lundi 20 Avril 2020 à 23:42
Tu te trompes sur un point…
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Mercredi 22 Avril 2020 à 11:26
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Vous avez vu ça ?
Personne n'est à la place de personne
Un film avec ChristopheDominique Gonzalez-Foerster, Ange LecciaFrance / 2009 / 1:02:49Avec Christophe.
De 2002 à 2004, Ange Leccia et Dominique Gonzalez-Foerster suivent le travail de Christophe et participent à son Olympia. Fragments de rencontres créatives.
12ericMercredi 22 Avril 2020 à 10:3813JJMURASamedi 25 Avril 2020 à 13:17
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Bel hommage.