• Place aux Femmes! Siouxsie and The Banshees - Nocturne (1983)

    Place aux Femmes! Siouxsie and The Banshees - Nocturne (1983)

    J'ai le plaisir de laisser la place à Audrey aujourd'hui...

    Merci Audrey!

    Ce live de Siouxsie and the Banshees est rarement plébiscité parmi les incontournables du genre. Pour tout vous dire, bien que ce blog mette très souvent en avant cette dimension, je ne suis moi-même pas particulièrement friande de concert. Souvent, un concert est au mieux une sorte de best of en live, mais avec un résultat moins bon qu’en studio (par contre, j’avoue découvrir régulièrement ici des choses qui me prouvent le contraire). Si bien que j’écoute rarement les enregistrements officiels de mes groupes préférés…
    Pour moi, un bon concert doit réunir un certain nombre de qualités. D’abord, le choix des chansons est primordial. Ensuite, l’interprétation doit impérativement surpasser ce qui a été fait en studio (chose souvent très difficile). Dans ce concert millésimé 1983, on est en plein dedans. Siouxsie and the Banshees est alors à son apogée artistique et se concentre sur ses 3 derniers disques (pour moi les meilleurs), tout en transcendant leur contenu sur scène. On a ainsi, en quelque sorte, le meilleur du meilleur mais en mieux. Bizarrement, si je vous en parle, ce n’est pas exactement pour cette raison (qui, à elle seule, suffirait à en faire un grand concert, admettez-le) mais parce qu’il possède quelque chose de plus qui en fait son caractère exceptionnel : c’est ce que j’appellerais la fragilité d’une dramaturgie qui va s’avérer au final implacable. Dans ce sens, on peut vraiment dire qu’il y a un début, un milieu et une fin dans ce concert et qu’il convient de l’écouter intégralement pour cette raison.
    Je m’explique. Après un surprenant extrait du Sacre du Printemps de Stravinsky, qui pourtant installe tout à fait le bon climat, le groupe, visiblement très sûr de lui, débute en jouant sur du velours, avec l’un de ses morceaux les plus puissamment mélodiques, intro pour ainsi dire parfaite qui est là pour se mettre le public dans la poche (ce qu’il réussit d’entrer de jeu sans problème). Puis, il enchaine avec une magnifique reprise des Beatles et on se dit que c’est gagné d’avance. Oui, mais voilà, très vite, bien que tout soit là pour que cela fonctionne, on sent qu’il manque cette petite étincelle pour en faire autre chose qu’un simple concert de plus. A dire vrai, on finirait presque par légèrement s’ennuyer, sauf qu’il bascule pile au moment où l’idée nous effleure.
    Pour moi, cela se passe en plein milieu d’un morceau, et je peux même dire à quelle seconde précise le groupe se ressoude et transcende son jeu. D’ailleurs, je préfère vous laisser le découvrir par vous-même (n’hésitez pas à me faire part de votre perception de ce moment clés au cas où nos avis divergent)… Tout à coup, on est plus dans la musique mais face à l’alchimie qui fait l’improbable magie des concerts. Cette chose finalement qu’on ne peut pas expliquer mais qu’on ressent intensément en nous. Et le fait même que le groupe ait presque échoué au début du set, alors que tout semblait écrit d’avance, lui confère une dimension inestimable et ne souligne que plus fort la fragilité de ce qui est en jeu au cours d’un concert.
    Alors, à partir de là, il se passe cette chose surprenante : la tension qui se dégage ne fait que monter d’un cran à chaque fois, tout en finissant par nous faire douter que le groupe puisse continuer à la surpasser, au point où on s’attend à ce qu’il la relâche un peu pour mieux repartir (ce qui fait aussi que ces versions surpassent le travail studio du groupe, pourtant magnifique à cette époque). Or, cet instant ne survient jamais. En effet, chaque titre se succède pour accomplir un splendide crescendo pour atteindre son paroxysme sur le titre final, au cours duquel Siouxsie devient une sorte maîtresse de cérémonie d’un jeu sado-maso et où elle transforme son auditoire en poupée vaudou pour lui planter une à une ses aiguilles dans les oreilles et dans la tête (avec le paradoxe d’y prendre plaisir à notre tour).
    Aussi, ce live (en vérité, il mélange les titres de deux dates) montre ici toute la puissance d’un groupe à son sommet et offre plus qu’un témoignage mais bien l’un des meilleurs concerts enregistrés dans l’histoire du rock, et qu’il conviendrait de remettre à sa juste place. Ce résultat est bien sûr obtenu grâce à la parfaite osmose des musiciens. Et sans doute, le guitariste en place (pourtant intérimaire) n‘est-il pas étranger à cet art de distiller cette tension électrisante, puisqu’il s’agit de nul autre que Robert Smith, alors en pleine crise existentielle sur le futur de son propre groupe, The Cure.
    Et que ce live soit celui d’une formation principalement dirigée par une femme (peut-être est-ce d’ailleurs la principale raison de son relatif oubli, comme si féminité et intensité rock était incompatible) le rend d’autant plus remarquable, car nous parlons bien ici de rock. Oui, Dame Siouxsie Sioux accomplit ici le miracle de concilier toute la puissance de cette musique que fournit d’habitude la testostérone  (oui, c’est une chanteuse qui en a dans le pantalon) avec l’art typiquement féminin d’une séduction un rien féline. En résumé : quelque chose d’éminemment grisant et attirant, mais qui peut à tout moment vous griffer.
    Voilà pourquoi je range pour ma part ce live de Siouxsie and the Banshees dans la catégorie « Grand concert d’un grand groupe à son apogée artistique ». Et, si Fracas est d’accord, je souhaiterai par la suite vous présenter deux autres concerts qui illustreraient ce qui, pour moi, fait également les grands concerts (mais dans des approches très différentes).  

    PS : vous êtes bien sur invités à nous donner en commentaire d’autres exemples de concert (si possible officiel et un peu injustement délaissé) entrant dans la catégorie « Grand concert d’un grand groupe à son apogée artistique » si vous considérez qu’ils répondent au cahier des charges présenté ci-dessus… 

    Place aux Femmes! Siouxsie and The Banshees - Nocturne (1983)

    Pour l'écouter, ce n'est pas loin.....Nocturne

    That's all folks!

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  • Commentaires

    1
    dado
    Vendredi 13 Décembre 2019 à 10:05

    Superbe analyse Audrey. C'est vrai ce live capture Siouxsie and the Banshees à leur apogée. Suzy chante de façon magnifique et la musique est vraiment envoûtante. 

    Tellement divin que j'ai également le DVD de cette prestation (auquel il manque 4 titres "Dear Prudence", "Paradise Place", "Slowdive" et "Happy House" ) + un un show diffusé à l'époque par la chaîne de TV anglaise Channel 4 (un délire à la Lewis Caroll musical=.

    Superbement filmé depuis le milieu de la fosse ou depuis les balcons du Royal Albert Club (décor de rêve). Comme le dit si bien Audrey, le  line-up est exceptionnel (avec un Robert Smith adopté le temps d'une cure de jouvence à la guitare et engoncé dans un magnifique moule burnes en cuir).

    Une set-list à se damner (le groupe était alors sur une longue série de sans-faute côté albums et singles) et surtout Siouxsie Sioux est au sommet de son talent et de ses capacités vocales et la musique est vraiment envoûtante.

    Sans omettre les tenues et les chorégraphies totalement improbables de Suzy (reptilienne, twisteuse, lascive, indienne...) et des jeux de lumière efficaces et un public dans la danse et en pleine danse.

    Merci et... bravo Audrey!

     

    2
    eric
    Vendredi 13 Décembre 2019 à 18:46

    Je me souviens de ce soir où Robert Smith, en retrait sur scène, diablotin sonore, électrisait les premiers rangs. Salle des Fêtes du Grand Parc, Bordeaux, 83 ou 84? Tu étais là Dado? L'occasion de réécouter, un live de cette tournée, avec forcément un putain de son. Super article Audrey. Une profession de foi qui flirte avec une déclaration à Dame Siouxsie Sioux.

      • dado
        Vendredi 13 Décembre 2019 à 19:37

        Bien vu eric, j'y étais avec plusieurs ami(e)s... c'était en fin novembre 1984. Un de nous avait enregistré une bonne demi-heure du concert sur K7 mais hélas la qualité sonore était pitoyable. Reste le souvenir d'une belle et chaude soirée.

      • dado
        Vendredi 13 Décembre 2019 à 19:42

        Sans oublier que l'on était aller les voir une semaine auparavant à San Sebastian au Vélodrome Anoeta (souvenir d'un énorme concert des Clash au même endroit). 

      • Fracas64
        Vendredi 13 Décembre 2019 à 19:47
        Et the Clash était arrivé sur scène avec un drapeau Basque non ?
      • dado
        Samedi 14 Décembre 2019 à 10:54

        Oui, c'est ce qu'Audrey appelle "l'étincelle" pour en faire un concert exceptionnel. Dans ce cas, c'était la "Spanish Bomb" !

    3
    Samedi 14 Décembre 2019 à 16:21
    individu1671137

    Une étincelle a mis le feu à mon commentaire et il a disparu en fumée. sarcastic

    4
    Audrey
    Dimanche 15 Décembre 2019 à 21:53

    @eric: en fait, ce live, je l'ai vraiment redécouvert il y a 5 ans quand je l'ai retrouvé dans une boutique d'occas'. En fait, j'avais gardé quelques titres sur des K7 pour finir les faces et à chaque fois, je me disais que la version live était meilleur que la version studio. Et quand je l'ai réécouté d'une traite (en surpassant mes préjugés sur les live), je me suis rendu compte de la qualité de ce live que j'écoute depuis régulièrement.

    @dado (et eric bis): Ce live de Cure, ça devait être quelque chose. Pour ma part, j'aime beaucoup The Top (de 84 justement), un album injustement négligé (et influencé par Siouxsie).. Même chose, c'est une histoire de K7. C'était la Face B de celle où j'avais Pornography. Donc je me forçais à l'écouter pour ne pas avoir à la rembobiner, jusqu'au jour où je me suis rendu compte que les morceaux de cet album étaient vraiment bons.

    5
    Arewenotmen?
    Lundi 16 Décembre 2019 à 14:38

    Eh bien par rexemple Audrey, je revisite en ce moment le superbe coffret "Bashung live 1985-2009" et je ne n'y vois rien d'autre que de l'exemplaire en la matière. Si le propre d'un bon enregistrement en public est de donner à entendre une présence (pas facile...), alors on y est... Le "live" est également consubstantiel au jazz et donne également des couleurs à la musique classique et de l'intensité dramatique à l'opéra....

    6
    Arewenotmen?
    Lundi 16 Décembre 2019 à 17:40
    Et Claude Nougarp ? Et Jacques Brel ?
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